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Les Gnawa – Bangaro (Traditionnel) – Mahjoub Khamous

Les Musiques du Maroc – De Tanger au Sahara

Les Gnaouas, dits également les « afro-maghrébins » sont originaires de l’empire du Soudan Occidental qui regroupait le Mali, la Guinée, le Sénégal, le Ghana, le Niger…

Selon Maurice Delafosse, africaniste et ethnologue, le terme « gnaoua » vient de Guinée et Ghana qui eux même viennent du terme « akal-n-iguinaouen » qui veut dire « pays des noirs ». Ainsi, « gnaoua » voudrait dire « homme noir » ou « homme venant du pays des noirs ».

Nomades forcés du temps de l’esclavage, les Gnaouas ont pris racine dans plusieurs régions du Maroc (Essaouira, Marrakech, Fès, Casablanca, Rabat…) mais également en Alégrie, en Tunisie, en Egypte et en Lybie où ils sont respectivement appelés les Diwan, les Stambali, les Zar et les Makelis.

Le lien entre l’Afrique Subsaharienne et l’Afrique du Nord existe depuis l’Antiquité via le commerce, mais c’est pendant les XIème et XIIème siècles qu’arrive la première génération de Gnaouas au Maroc. Au XIème siècle, la dynastie des Almoravides attaqua le Ghana afin de gagner du terrain et d’imposer sa vision de l’Islam à l’empire ghanéen. Au début du XIIème siècle la dynastie des Almohades contrôlait l’empire Arabo-Musulman qui englobait le Maghreb, quelques régions subsahariennes et l’Andalousie. De nombreux esclaves ont dû alors migrer vers le Maroc et ont été introduits dans l’armée.

Quatre siècles plus tard, le Sultan Ahmed El Mansour, victorieux à Tombouctou, fit appel à des travailleurs subsahariens dans ses plantations de canne à sucre dans les régions berbères des Haha. Ces travailleurs avaient un rituel agraire qui avait lieu une fois par an en été pendant lequel ils utilisaient un tambour traditionnel qui leur a valu le nom de « Gangas« .

De nombreux autres travailleurs ou esclaves ont été exilés vers le Maroc les siècles suivants notamment pour les gardes personnelles des Sultans ou pour la construction de certaines villes comme Essaouira. Ces soldats étaient convertis à l’Islam. Il s’agit alors de la seconde génération de Gnaouas qui se réclamaient de Sidna Bilal, premier muezzin de l’Islam dont le nom a été donné à la Zaouïa (lieu saint) de la confrérie de Gnaouas à Essaouira. A noter que tous les Gnaouas ne sont pas descendants d’esclaves, une bonne partie étaient des hommes libres.

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La musique et les rituels des Gnaouas auraient pour origine les cultes d’adorcisme (possession par une puissance externe mais qui n’est pas dénuée de spiritualisme) venant d’Afrique Subsaharienne. Ces rituels ont été transformés pour survire et être préservés lors de l’adoption de l’Islam par les esclaves.

Les confréries gnaouis s’organisent autour de maîtres musiciens les « mâalems », d’instrumentistes et d’adeptes qui pratiquent des rites mystérieux et confidentiels.  Les mâalems sont les maîtres ou les sachants qui peuvent transmettre le savoir-faire gnaoui.

Les rites sont un mélange de la culture subsaharienne et berbère pendant lesquels les adeptes chantent, dansent et entrent en transe pour des raisons thérapeutiques. Hommes et femmes sont présents, bien que celles-ci restent habituellement dans l’ombre, elles jouent un rôle important lors des rituels. Ceux-ci durent plusieurs heures et ce sont les femmes qui dansent la « guedra » (danse du sud) jusqu’à s’écrouler au dernier battement de musique. En même temps, les hommes sautent très haut et jouent d’instruments propres aux Gnaouas. Hommes et femmes mêlent alors « dikr » (invocation de Dieu) et « madh » (chants élogieux) dans un genre musical original. Il s’agit de séries de chants et des rythmes entraînants utilisant 3 instruments propres à la musique gnaouie : le « guembri » ou « sentir » (instrument à corde), les « krakeb » (qui sont un genre de castagnettes) et la « gangas » ou « tbel » (tambour).

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C’est en général à la nuit tombée (à partir de minuit) que les musiciens se réunissent afin de communiquer avec les « m’louks » et d’exorciser les personnes possédées. Le rituel est mené par un mâalem. Ces rituels sont appelés « Lila » (veillée) et ont lieu dans les Zaouïa.

Les Lila se déroulent en 4 étapes. La première étape est « Lâada » (la coutume) qui est un spectacle de musique et de danse pendant lequel les Gnaouas défilent en chantant leurs paroles et qui annonce la célébration de Lila. C’est une coutume que d’autres confréries respectent également. Ensuite, vient l’étape des « Kûyû » pendant laquelle les musiciens et acrobates dansent et évoquent les anciens : des saints ou des personnages qui ont œuvré pour les Gnaouis, etc… L’étape de « Bambara » est également une série de danses qui prépare la dernière étape qui est la plus sérieuse et la plus importante de la Lila : les m’louk.

Les m’louk est le dernier rituel pendant lequel un « tbeq » (plateau) est présenté avec de l’encens et des foulards de différentes couleurs qui désignent les différents « m’louk« . Ainsi, les foulards blancs représentent les m’louk des Jilala dont le saint est Moulay Abdelkader Jilali, le noir correspond à « Loghmami » (le nuageux) et Sidi Mimoun, le bleu est la couleur de Moussaoui, Moussa Barkyou ou Koubali Bala… Au total, 7 couleurs se suivent jusqu’à la transe des femmes. La Lila atteint alors son paroxysme.

La musique gnaouie est spirituelle, du genre pentatonique et suit un rythme régulier où la percussion est détachée du chant. Guembrikrakeb et tbel s’organisent. Les solos de guembri annoncent la devise du melk qui sera reconnu par son adepte et entrera directement en transe. Le but est alors de libérer les âmes possédées par ces m’louk.

Le grand public ne connait pas ces rituels qui sont confidentiels mais plutôt le côté amusant et spectaculaire des coutumes gnaouis présentées par des hommes uniquement : les chants et acrobaties des musiciens. La musique gnaouie est très appréciée au Maroc et à l’international. Au Maroc, le premier enregistrement s’est fait en 1975.

En 1998, le Festival Musique Gnaoua d’Essaouira voit le jour afin de faire connaitre ce genre musical et surtout de le protéger et préserver le patrimoine culturel marocain. C’est également un tournant dans l’histoire socio-culturelle du Maroc qui reconnait la part africaine de la culture du pays.

La musique Gnaouie s’est internationalisée grâce au tourisme et aux échanges avec l’Occident à tel point que de grands noms de la musique ont fait appel aux musiciens Gnaoua : Jimmy Page et Robert Plant (Led Zeppelin), Randy Weston, Bill Laswell et tant d’autres. Ainsi, la musique gnaouie a enrichit d’autres genre musicaux pour créer de nouveaux genres : la fusion Jazz-gnawa, la raggae-gnawa, le blues-gnawa) et c’est ce qui a permis une reconnaissance internationale musiciens gnaouis.

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